Conférence LIMNA sur le métabolisme

Vue du lac et des Alpes depuis Montreux
Vue du lac et des Alpes depuis Montreux

Montreux, le 17 mars 2014

1st Symposium of the Pôle Thématique de Recherche (PTR) Métabolisme-Nutrition-Vieillissement

LIMNA

Lausanne Integrative Metabolism and Nutrition Alliance

La journée commence avec gaieté avec une boutade d’un invité d’honneur, Grahame Hardie, de l’université de Dundee en Ecosse. A la question – rhétorique – d’en quoi consiste le métabolisme d’une cellule, le professeur réplique : à AMPK ! Ce qui semble extrêmement réductionniste devient en fait de plus en plus réaliste au fur et à mesure de la présentation. En effet, cette protéine kinase activée par l’AMP (AMP-activated kinase, AMPK) semble s’occuper de tout ce qui concerne la régulation de l’équilibre énergétique de la cellule.

Dans une cellule saine et non stressée, la concentration élevée d’ATP inhibe l’activité d’AMPK. En cas de stress, qui peut être causé par des poisons, une privation de glucose, la contraction musculaire, la prolifération rapide des cellules, la concentration d’ATP diminue et son hydrolyse provoque l’augmentation de la concentration d’ADP. L’équilibre entre l’ADP et l’AMP est tiré vers ce dernier, ce qui va finalement activer l’AMPK, simple non ? L’AMPK va ensuite activer le catabolisme pour refournir les stocks d’ATP.

Structure tridimensionnelle de l’AMPK : un résidu thréonine est phosphorylé par LKB1 et CaMKKβ (ce dernier activé par le Ca2+. L’AMPK contient des sous-unités α (1/2), β (1/2) et (1/2/3).

AMPK est le vrai chef d’orchestre du métabolisme cellulaire. Il va activer l’absorption du glucose, la glycolyse (ce processus qui transforme le glucose en pyruvate afin de produire de l’ATP), l’oxydation des acides gras, l’autophagie, la mitophagie, le métabolisme oxydatif et la biogenèse de mitochondries. L’AMPK a aussi des effets inhibiteurs, entre autres sur la synthèse du cholestérol, des triglycérides, des phospholipides, du glycogène, de l’ARN ribosomique, des protéines et la réplication de l’ADN. La levure du boulanger (Saccharomyces cerevisiae) a elle aussi un gène codant pour AMPK. Cet orthologue est nécessaire pour la croissance sur une source de carbone autre que le glucose ainsi que pour passer de la fermentation à un métabolisme oxydatif lorsque le glucose devient rare.

L’AMPK est régulé par des hormones et des cytokines. La leptin, cette hormone de la satiété, inhibe AMPK dans l’hypothalamus mais l’active dans les muscles.

L’AMP active AMPK de manière allostérique, c’est-à-dire que l’AMP va se lier sur AMPK à un endroit de la structure qui n’est pas le site active d’AMPK. Cette liaison favorise la phosphorylation activatrice de la thréonine d’AMPK par LKB1 et inhibe sa déphosphorylation, cette fois-ci par une phosphatase encore inconnue.

Le prof. Hardie parle ensuite de la berbérine, cette molécule dérivée d’une plante utilisée dans la médecine chinoise traditionnelle. C’est un inhibiteur mitochondrial et ce faisant, elle diminue la production d’ATP, augmente la concentration d’AMP, ce qui va in fine activer AMPK et aider l’homéostasie du glucose. Ce qui nous amène au sujet d’AMPK en tant que cible thérapeutique dans le diabète de type 2. En promouvant l’absorption du glucose et son oxydation, l’activation d’AMPK dans le muscle diminuerait la glycémie :

  1. Médicaments qui inhibent les mitochondries et augmentent ainsi l’AMP cellulaire (metformine, phenformine, resveratrol, berbérine)
  2. Médicaments se transformant en analogues de l’AMP :
    1. AICAR → ZMP (analogue de l’AMP qui active AMPK
    2. C13 → C2 (par des estérases cellulaires)
    3. Médicaments se liant directement à AMPK : A-769662 (Abbott), 991 (Merck), MT 63-78 (Mercury), salicylate

La metformine inhibe le complexe I de la chaîne respiratoire des mitochondrie et ainsi, par l’augmentation de l’AMP cellulaire, inhibe AMPK.

AMPK : un suppresseur de tumeurs sous-régulé dans beaucoup de cancers

Non seulement AMPK joue un rôle central dans l’homéostasie du glucose, mais en plus il semble nous protéger du cancer. Ces deux effets à première vue complètement différents ne le sont en réalité pas vraiment lorsqu’on considère que les tumeurs sont très gourmandes en glucose. AMPK, par l’activation de l’absorption de glucose par les cellules va-t-il baisser la glycémie et ainsi priver les cellules cancéreuses de ce nutriment si chéri ? Plusieurs observations en tous cas soutiennent la candidature d’AMPK pour le poste de suppresseur de tumeurs :

  1. Dans la maladie génétique rare du nom de syndrome de Peutz-Jeghers, LKB1, la kinase phosphorylant et activant AMPK, est mutée. Les patients développent des polypes intestinaux appelés hamartomes, ainsi que des tumeurs malignes en d’autres endroits du corps
  2. L’activation d’AMPK inhibe la croissance cellulaire et cause l’arrêt du cycle cellulaire
  3. Les patients diabétiques traités avec la metformine ont une incidence plus base de cancer
  4. AMPK est sous-régulé dans les tumeurs, et ce par plusieurs mécanismes :
    1. Perte génétique de LKB1
    2. Réduction de l’expression de AMPK-α2
    3. Hyperactivation du pathway Akt, e.g. perte de PTEN ou mutations activatrices dans la kinase PI-3

On comprend maintenant pourquoi le prof. Hardie a commencé sa présentation par dire que le métabolisme cellulaire se résumait à AMPK ! Même si ce n’est qu’une boutade, nous ne pouvons que restés émerveillés par cette protéine extraordinaire qui est au centre de l’homéostasie énergétique, non seulement de la cellule, mais de l’organisme entier.

Cristian Riccio

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